Le contrat d’agence commerciale en France

24 avril 2024

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Comment les contrats d’agence sont-ils réglementés en France?

En France, pour maîtriser les règles applicables aux contrats d’agent commercial, il faut savoir que l’activité d’agent peut relever de deux réglementations distinctes, l’une plutôt protectrice de l’agent, l’autre plus souple.

D’une part, il y a l’agent commercial stricto sensu (« agent commercial »), ou agent commercial statutaire, qui doit répondre à une définition légale précise afin de bénéficier d’un régime protecteur fixé par les articles L.134-1 à L.134-17 du Code de commerce. Ces articles résultent de la loi du 25 juin 1991 transposant les dispositions de la Directive européenne n°86/653 du 18 décembre 1986 sur les agents commerciaux. Ces articles fournissent un cadre juridique assez bien défini. En droit interne français, de nombreuses dispositions sont d’ordre public interne, en ce sens que le mandant et l’agent ne peuvent y déroger; la question est plus délicate dans le cas d’un contrat international (voir § 4. C ci-dessous).

D’autre part, il y a le mandataire d’intérêt commun qui relève essentiellement des dispositions du Code civil applicables au mandat (art. 1984 et suivants du Code civil) complétées par la jurisprudence. Le cadre juridique de l’activité des mandataires d’intérêt commun est beaucoup plus souple, voire flou, car il renvoie à des règles générales. En outre, la plupart de ces règles ne sont pas d’ordre public; par conséquent, le contrat d’agent d’intérêt commun peut y déroger.

Le point commun entre ces deux formes de régime juridique réside dans le fait que l’agent commercial et l’agent d’intérêt commun sont tous deux des mandataires qui représentent leurs cocontractants (le mandant). Ils agissent tous deux au nom et pour le compte du mandant dans la mesure où ils se présentent officiellement comme le représentant du mandant et où leurs actions lient le mandant.

D’une manière générale, lorsqu’un agent agit au nom et pour le compte d’une société et que son contrat ou son activité ne peut être analysé comme un « agent commercial » parce qu’il ne remplit pas les conditions fixées par la loi, les juges lui reconnaissent au moins la qualité de « mandataire d’intérêt commun » (à moins qu’il ne relève d’une autre catégorie juridique exposée au point 2.a ci-dessous). L’exposé qui suit distinguera, le cas échéant, les règles applicables à l’agent d’intérêt commun et à l’agent commercial. Il faut également savoir que le mot anglais « agent » recouvre à la fois un terme générique qui renvoie à la catégorie générale du mandat (« mandataire ») et un statut spécifique (« agent commercial ») abrégé en anglais; les opérateurs internationaux doivent donc être prudents dans l’utilisation de ce mot.

Quelles sont les différences avec les autres intermédiaires?

Lorsqu’un opérateur commercial envisage de recourir aux services d’un intermédiaire (terme volontairement neutre ou générique), il ne doit pas contracter ipso facto avec un agent commercial. En effet, économiquement ou pratiquement, un intermédiaire peut avoir des missions différentes et les exercer dans des conditions différentes. Plusieurs schémas contractuels s’offrent donc à ce professionnel, qu’il convient de bien distinguer du statut de l’agent commercial afin d’éviter que le contrat d’agent commercial ne soit requalifié, ce qui aurait pour effet de créer une insécurité juridique pour les deux parties, voire de les exposer à de nouvelles obligations ou responsabilités.

Contrats alternatifs aux contrats d’agence commerciale

Indépendamment de la distinction fine entre agent commercial et agent d’intérêt commun (qui sera évoquée au § b. ci-dessous), il est possible de contracter avec un courtier, un commissionnaire, un employé ou un prestataire de services. Ces quatre catégories sont plus particulièrement abordées ci-dessous car elles peuvent remplir, économiquement ou pratiquement, des missions proches et donc créer une confusion quant à l’application d’un statut particulier. Le risque de confusion est moindre avec les contrats de distribution ou de franchise car les premiers impliquent clairement l’achat et la revente de produits, matérialisés au moins par des factures d’achat et de revente, et les seconds impliquent généralement la mise à disposition d’un savoir-faire et de signes distinctifs.

Le contrat de courtage

Le courtier (ou apporteur d’affaires) n’est pas un agent en ce sens qu’il ne représente pas son cocontractant. Son rôle consiste principalement à mettre en relation un vendeur et un acheteur, en leur laissant le soin de négocier tous les termes de leur éventuel contrat. Le courtier n’intervient pas, en principe, dans la négociation (mais ce n’est pas interdit) et il est généralement rémunéré non pas sur le résultat de la négociation mais sur l’entrée en négociation. Le contrat de courtage est très peu réglementé par la loi (sauf dans certains secteurs économiques très spécifiques) et les droits et obligations des parties sont donc régis par les dispositions du contrat et les usages du secteur dans lequel elles opèrent. La loi n’impose pas le paiement d’une indemnité au courtier à la fin de son contrat.

Le contrat de commissionnaire

Le commissionnaire n’est pas un véritable agent en ce sens que s’il agit pour le compte de son commettant, il agit à l’égard des tiers sous son propre nom. En d’autres termes, en amont, il est considéré comme un mandataire dans ses relations avec son commettant, et à ce titre il doit respecter les instructions de ce dernier et il n’achète pas les produits qui lui sont simplement confiés, et en aval, sur le marché, il prétend être un distributeur vendant des produits sous son propre nom (mais en fait selon les instructions et les prix communiqués par son commettant). Ce contrat a donc une nature double. En fin de contrat, le commissionnaire n’a pas droit à une indemnité, contrairement au mandataire d’intérêt commun ou à l’agent commercial (une des explications réside dans le fait que les clients sont ses clients et non ceux du commettant).

Ce schéma contractuel peut être intéressant lorsqu’un opérateur commercial souhaite développer un réseau de vente en s’appuyant sur des points de vente gérés par des indépendants mais qui doivent respecter de nombreuses instructions reçues de leur mandant, notamment en termes de prix. Certains réseaux dits « de franchise » adoptent ce schéma (appelé alors « commission-affiliation »).

Le contrat de travail

La promotion des produits et services d’un opérateur commercial peut également se faire par l’intermédiaire d’un salarié de cet opérateur. Ce dernier peut alors conclure soit un contrat de travail classique avec un salarié qui sera itinérant (par exemple responsable d’une région), soit un contrat de travail spécifiquement dédié au démarchage de clientèle (dit « VRP »). Dans les deux cas, le salarié sera protégé par le droit du travail dont les dispositions sont très largement d’ordre public, il percevra un salaire sur lequel l’employeur devra payer des charges sociales. L’employeur ne pourra mettre fin au contrat que selon une procédure et des conditions précises et devra payer le cas échéant des indemnités de licenciement.

La distinction entre un contrat d’agence et un contrat de travail est fondamentale pour empêcher l’agent de revendiquer (généralement à la fin du contrat) le statut plus protecteur d’un salarié. En conséquence, le mandant doit, entre autres, éviter de placer son agent, personne physique, voire société unipersonnelle, dans une position de subordination, c’est-à-dire en contrôlant trop strictement son activité et en évitant d’exercer une sanction disciplinaire à son encontre.

Le contrat de prestation de services

Dans certains cas, le contenu de la mission de promotion est couvert par un contrat de prestation de services. Ainsi, par exemple, lorsqu’un laboratoire pharmaceutique fait appel à une force de vente externalisée (gérée par une autre entreprise) pour promouvoir ses spécialités pharmaceutiques auprès des médecins, la mission de mise en avant des produits auprès de tiers qui ne sont pas des acheteurs potentiels mais des prescripteurs, ne relève pas d’un contrat d’agence commerciale mais d’un contrat de prestation de services promotionnels. Il en est de même si les seules missions envisagées par l’opérateur commercial sont par exemple une étude de marché, une assistance à la réponse aux appels d’offres, le suivi technique des commandes ou des expéditions, la gestion d’un stock tampon ou des réclamations des clients ou des opérations de maintenance. Le contenu de la prestation doit être très clairement identifié et le prix, généralement forfaitaire, doit être précisément stipulé. En général, ces contrats sont régis par les dispositions du Code civil relatives aux contrats d’entreprise (ou louage d’ouvrage). Sauf stipulation dans le contrat, il n’y a pas d’indemnité à payer à la fin de la prestation.

La frontière entre le contrat de prestation de services et la mission confiée à un agent est souvent assez ténue, dans la mesure où un agent peut se voir confier tout ou partie de ces services en plus de sa mission centrale de prospection, de négociation et de conclusion de contrats au nom et pour le compte de son mandant. Dans certains cas, il peut être fortement conseillé de scinder les deux contrats pour conclure un contrat d’agent commercial pur où l’agent est rémunéré uniquement pour son activité de démarchage et un contrat de service où il est rémunéré pour des prestations accessoires (ceci peut notamment avoir un impact fondamental sur la détermination de l’assiette de l’indemnité due à l’agent commercial à l’issue de son contrat).

Principales caractéristiques d’un agent commercial

L’agent commercial est défini en droit français comme le mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de travail, est chargé de façon permanente de négocier, et éventuellement de conclure, des contrats de vente ou de services au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux (art. L.134.1). En cas de contestation du statut de l’agent, le juge vérifiera donc si toutes les conditions prévues par cet article sont réunies.

  • Tout d’abord, l’agent commercial est indépendant. Il maîtrise son organisation et les moyens techniques et humains qu’il met en œuvre. Il organise comme il l’entend son temps de travail et choisit comme il l’entend ses clients, qui sont ses mandants (sous réserve de respecter ses engagements de non-concurrence). En tant qu’indépendant, l’agent commercial peut également employer des sous-agents, qui sont rémunérés par lui et qui peuvent avoir également le statut d’agent commercial.
  • Deuxièmement, l’agent commercial est également un mandataire chargé d’un mandat, mais un mandataire un peu particulier. Comme tout mandataire, il agit au nom et pour le compte de son mandant. Mais en tant qu’agent commercial statutaire, il doit rechercher activement des clients, négocier avec eux et, éventuellement, conclure avec eux.

Cependant, pendant une décennie, la jurisprudence française a eu l’habitude d’exclure du statut d’agent commercial, l’agent qui se contentait de présenter les tarifs et les produits de son mandant mais qui n’avait pas la capacité de négocier librement les prix et les principales conditions des contrats de vente et/ou de les conclure librement. Ainsi, en présence d’une clause excluant toute possibilité pour l’agent de négocier et de conclure des contrats, la qualification d’agent commercial ne pouvait être reconnue (et en général le contrat était requalifié en contrat de mandat d’intérêt commun).

Mais, dans un arrêt du 4 juin 2020, la CJUE, saisie par le tribunal de commerce de Paris d’une question préjudicielle sur la compatibilité de la définition française de l’agent commercial avec la définition posée par la Directive de 1986, a écarté cette définition stricte de la « négociation » et a ajouté que la notion de négociation ne peut être comprise selon le prisme restrictif adopté par les juges français. La définition de la notion de « négociation » doit non seulement prendre en compte le rôle économique attendu d’un tel intermédiaire (la négociation étant une notion très large) mais aussi préserver les objectifs de la Directive de 1986 consistant principalement à assurer la protection de ce type d’intermédiaire. La CJUE a ensuite considéré qu’une personne ne doit pas nécessairement avoir le pouvoir de modifier les prix des biens qu’elle promeut pour être qualifiée d’agent commercial (voir notre article sur le blog Legalmondo).

En conséquence, la Cour de cassation s’est alignée (Cass. Com., 2 déc. 2020, 18-20.231) sur la jurisprudence européenne en considérant qu’ « un agent commercial doit désormais être qualifié d’agent commercial s’il (…) est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats (…) au nom et pour le compte de (…) alors qu’il n’a pas le pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services ».

L’article L.134-15 du Code de commerce prévoit un seul cas dans lequel le statut protecteur de l’agence commerciale peut être écarté même en présence d’un agent commercial. Lorsque l’activité d’agent commercial est exercée en exécution d’un contrat écrit passé entre les parties à titre principal pour un autre objet (ou activité, par ex. un contrat de distribution), ce contrat peut expressément écarter les dispositions protectrices du statut d’agent commercial (à condition que l’activité d’agent commercial ne soit pas effectivement exercée à titre principal ou déterminant).

Enfin, il convient d’ajouter que certaines activités sont exclues du statut d’agent commercial, comme les agents d’assurance, les agents immobiliers ou les agents de voyage. Mais les intermédiaires collaborant à titre indépendant avec des agents immobiliers peuvent bénéficier du statut d’agent commercial.

Comment désigner un agent en France?

Le contrat

Le contrat d’agent commercial ou le contrat d’intérêt commun est un contrat consensuel. Il peut être formé par écrit ou oralement. Le contrat peut être formalisé par un simple échange de lettres. A défaut d’écrit, la preuve d’une convention est admise par tous moyens notamment par des factures de commissions ou par une preuve rapportée par des tiers. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, l’article L.134-2 du Code de commerce n’impose pas un écrit mais prévoit simplement que chaque partie peut exiger de l’autre un écrit formalisant leur relation. L’absence d’écrit n’empêche pas l’application de la protection prévue aux articles L.134-1 et suivants du Code de commerce.

Le contrat d’agent commercial ou le contrat de mandat d’intérêt commun n’a pas à être enregistré.

L’agent

L’agent commercial a l’obligation de s’inscrire au registre spécial des agents commerciaux (« RSAC ») tenu au greffe du tribunal de commerce. Cette obligation s’impose à l’agent commercial domicilié en France, personne physique ou morale, de nationalité française ou étrangère. Toutefois, cette obligation ne s’impose pas aux agents commerciaux établis hors de France qui ont une mission temporaire ou occasionnelle en France.

L’obligation d’immatriculation est sans incidence sur la validité du contrat d’agent commercial. En d’autres termes, un agent commercial non inscrit au RSAC peut toujours prétendre au bénéfice du statut protecteur des agents commerciaux. En revanche, rien n’interdit au mandant de stipuler que l’immatriculation est une condition suspensive (ou résolutoire) de l’efficacité du contrat d’agent commercial. Le défaut d’immatriculation n’est pas sanctionné civilement mais peut simplement faire l’objet d’une amende pénale. L’agent commercial a l’obligation de mentionner son numéro d’immatriculation au RSAC sur tous ses documents commerciaux (sous peine d’amende).

Le mandataire d’intérêt commun n’a pas l’obligation de s’inscrire au RSAC.

Comment l’exclusivité accordée à l’agent est-elle réglementée en France?

L’exclusivité peut être accordée par le mandant en ce qui concerne une zone géographique et/ou un type de clientèle. Dans ce cas, le mandant (i) ne peut pas mandater un autre agent pour la même zone et/ou catégorie de clients et (ii) devra payer des commissions à l’agent pour toutes les ventes conclues par le mandant avec des clients appartenant à la zone/catégorie exclusive, même si la transaction a été effectuée sans l’intervention de l’agent.

L’agent a-t-il droit à des commissions sur les ventes en ligne effectuées par un mandant à des clients du territoire de l’agent?

A défaut d’aménagement conventionnel, l’agent commercial a droit à une commission dans les cas suivants:

  • si l’opération commerciale ait été conclue grâce à son intervention, ou
  • sans avoir à prouver son intervention dans l’opération si une exclusivité est accordée à l’agent, ou
  • si aucune exclusivité territoriale n’a été accordée, mais que l’agent commercial est chargé d’un secteur géographique ou d’un groupe de personnes particulier (ce qui est presque toujours le cas), il a également droit à une commission pour toute transaction conclue avec un client appartenant à ce groupe ou à ce secteur géographique, sans avoir à fournir la preuve de son intervention (article L.134-6).

Ces règles n’étant pas d’ordre public, elles peuventt être écartées par le contrat.

À quelles conditions l’agent peut-il être lié par une clause de non-concurrence pendant et après la fin du contrat d’agence?

Engagement de non-concurrence pendant le contrat d’agence

Même si le contrat ne le prévoit pas expressément, l’agent commercial a l’obligation légale d’obtenir l’accord préalable du mandant pour représenter un concurrent (cette obligation peut bien sûr être expressément écartée par le contrat). Cela étant, il est hautement préférable de définir quels sont les concurrents ou quels sont les produits concurrents (principe de substituabilité fonctionnelle). Le principe de loyauté inhérent à l’agent lui interdit également d’exercer une activité personnelle concurrente même si celle-ci n’est pas expressément interdite dans le contrat.

Engagement de non-concurrence après la fin du contrat d’agence

Le contrat d’agent commercial peut stipuler une clause de non-concurrence post-contractuelle mais celle-ci, pour être valable, doit être limitée (i) au même secteur géographique (ou au groupe de personnes) confié à l’agent (ii) ainsi qu’au type de biens et services prévus dans le contrat et (iii) à deux ans maximum. Il n’est donc pas possible de stipuler une clause de non-concurrence post-contractuelle ayant un champ d’application plus large que celui du contrat d’agent commercial. A défaut, elle sera considérée comme nulle. Mais même dans ces limites maximales, les tribunaux français contrôlent en plus le principe de proportionnalité de l’engagement pour vérifier si cette clause n’a pas pour effet d’empêcher un ex-agent d’exercer toute activité professionnelle. Aucune compensation financière n’est exigée par la loi.

Droit applicable au contrat d’agence en France

Un contrat d’agence commerciale peut être soumis à une loi étrangère, si le contrat est considéré comme international. Cette situation sera caractérisée soit lorsque l’une des deux parties est établie à l’étranger, soit lorsque le contrat est exécuté à l’étranger, même si les deux parties sont établies en France.

Un contrat peut être soumis à une loi étrangère soit en raison du choix effectué par les parties, soit, à défaut de choix, en raison de la détermination faite par le juge. Cela pose d’emblée l’importance de la clause de compétence et du lien étroit entre la compétence internationale et la loi nationale applicable. Sachant que les règles de conflit de lois sont celles appliquées par le juge compétent (ici le juge français), ce dernier appliquera le Règlement CE Rome I sur la loi applicable aux contrats (17 juin 2008, n° 593/2008) ainsi que la Convention de La Haye sur la loi applicable aux contrats d’intermédiaires (14 mars 1978).

Le choix d’une loi étrangère par les parties

Qu’il s’agisse de la Convention de La Haye (art. 5) ou du Règlement CE Rome I (art. 3), le juge français doit respecter le choix de la loi par les parties, qu’il soit exprès ou implicite.

La détermination de la loi applicable par le juge, à défaut de choix par les parties

Les règles de conflit de lois imposées par la Convention de La Haye et le Règlement Rome I sont assez similaires:

  • Selon la Convention de La Haye (art. 6): à défaut de choix des parties, la loi déterminée par le juge sera celle de l’État dans lequel l’agent est établi lors de la conclusion du contrat. Toutefois, c’est la loi du pays dans lequel la mission doit être exécutée qui sera applicable si le mandant a son domicile dans ce pays.
  • Selon le règlement Rome I: à défaut de choix des parties, la loi déterminée par le juge sera celle de l’État dans lequel l’agent a son domicile ou sa résidence habituelle, que ce soit en vertu de l’art. 4 § 2 (règle générale) ou de l’art. 4, §1.b (règle spéciale si le contrat d’agent est assimilé à un contrat de service au sens du Règlement Rome I).

Interférence possible des lois de police françaises

Même si le juge français est obligé d’appliquer la loi étrangère déterminée par les règles de conflit de lois, il doit également appliquer les lois de police françaises. En général, ces lois de police consistent en un noyau dur de règles d’ordre public interne. En d’autres termes, toutes les règles d’ordre public interne ne sont pas des lois de police au niveau international. Cette question se pose sérieusement pour les contrats d’agent commercial (et non pour les contrats de mandat d’intérêt commun), pour lesquels les tribunaux français n’ont pas la même position que la CJUE sur ce point.

La Cour de cassation juge depuis plus de vingt ans que la réglementation française sur les agents commerciaux (art. L.134-1 et suivants) n’est pas une loi de police. Cette solution s’applique aux mandants étrangers établis aussi bien en dehors de l’UE que dans l’UE.

Cette position, plutôt à l’avantage du mandant, apparaît en décalage avec les règles posées par la CJUE:

  • dans le cas d’une relation entre un agent établi dans l’UE et un mandant établi en dehors de l’UE, la CJUE a jugé que l’agent commercial qui avait saisi une juridiction d’un Etat membre de l’UE peut prétendre à la protection de la Directive de 1986, même si le contrat est soumis au droit d’un Etat non membre de l’UE (CJUE, 9/11/2000, affaire C 381/98, Ingmar);
  • en ce qui concerne une relation entre un agent basé dans l’UE et un mandant établi dans un autre Etat membre de l’UE, la CJUE a jugé que la loi d’un Etat membre qui met en œuvre la Directive de 1986, choisie par les parties, peut être écartée par la loi de police du pays du juge saisi si celui-ci constate que le législateur de son Etat a estimé « crucial » d’accorder à l’agent commercial une protection allant au-delà de celle recherchée par ladite Directive, compte tenu de la nature et de la finalité de telles dispositions impératives (CJUE, 17/11/13, affaire C 184/12, Unamar).

Il semble clair que pour les tribunaux français, la loi française qui a transposé la Directive de 1986 n’exige pas une protection spéciale allant au-delà de celles prévues par la Directive et ne peut donc pas ignorer une autre loi européenne transposant la même Directive. Toutefois, le mandant étranger aura intérêt, pour éviter tout risque d’application d’une loi de police française, non seulement à soumettre la convention à une loi étrangère mais aussi à stipuler soit une clause attributive de compétence au profit d’un juge étranger soit une clause compromissoire.

Clauses de règlement des litiges dans les contrats d’agence en France

Clause attributive de juridiction

Un contrat d’agence internationale peut stipuler une clause de compétence au profit d’une juridiction étrangère et ce, quel que soit le choix fait par les parties (y compris le tribunal d’un Etat tiers aux pays des deux parties). Dans un contrat international, la clause attributive de juridiction est valable même avec une personne physique qui n’a pas la qualité de commerçant.

Sur le plan formel, il est conseillé que les contrats d’agence commerciale internationale stipulent expressément une clause attributive de juridiction. Il est également possible de stipuler une clause de compétence asymétrique par laquelle une juridiction est déterminée comme étant exclusive pour les deux parties mais où une partie se réserve le droit de porter l’affaire devant une autre juridiction (cette clause est valable à condition que l’option soit mentionnée en faveur d’une juridiction déterminée). Il est préférable d’indiquer expressément que la compétence est accordée à titre exclusif. Il est conseillé d’inclure dans le champ d’application de la clause les litiges fondés sur la responsabilité civile délictuelle et dans le domaine du droit de la concurrence, ainsi que les hypothèses de pluralité de défendeurs, d’appel en garantie et de référé.

Les juges français respectent la clause de compétence stipulée en faveur des juridictions étrangères, même si des lois de police françaises sont potentiellement concernées.

Il convient de préciser que les règles de compétence du règlement Bruxelles I bis s’appliquent également, pour cette question spécifique, aux contrats conclus avec (ou entre) des contractants établis en dehors de l’Union européenne dès lors que la clause attribue une compétence au juge d’un état membre de l’UE.

Si les parties ne stipulent pas de clause de compétence au profit d’une juridiction déterminée, la compétence du juge saisi sera appréciée au regard des règles de compétence du pays de ce juge. En ce qui concerne la compétence du juge français, les règles déterminant la compétence internationale diffèrent selon le lieu d’établissement du cocontractant de la partie française: si le défendeur est établi dans l’UE, le juge fera application du Règlement CE Bruxelles I bis et si le défendeur n’est pas établi dans l’UE , il fera application de la convention bilatérale (ou multilatérale) concernée ou à défaut, des règles standard françaises de compétence internationale. Toutefois, les règles de compétence sont plus ou moins les mêmes: (i) le tribunal du lieu du domicile ou du siège social du défendeur et (ii) celui du lieu d’exécution du contrat d’agence.

Clause compromissoire

Un contrat d’agent international peut également stipuler une clause compromissoire, qui sera valable même si l’agent n’est pas une personne morale mais une personne physique, et même s’il n’est pas commerçant.

Les juges français reconnaissent le principe de validité des clauses d’arbitrage et déclinent leur compétence (sauf si la clause d’arbitrage est manifestement nulle ou inapplicable), mais peuvent néanmoins accorder des mesures provisoires ou conservatoires, y compris un paiement partiel sur une créance invoquée par l’une des parties (« référé  provision » si en outre l’urgence est prouvée), tant que l’arbitrage n’a pas commencé. En pratique, les contrats d’agence ne prévoient pratiquement jamais de clauses d’arbitrage, qu’elles soient ad hoc ou qu’elles renvoient à un centre d’arbitrage, tel que la CCI.

Reconnaissance d’une décision judiciaire ou arbitrale rendue à l’étranger 

Un jugement rendu par un tribunal d’un autre Etat membre de l’Union européenne sera reconnu et exécuté en France, sans formalité depuis l’entrée en vigueur du Règlement CE Bruxelles I bis. Pour plus d’informations sur l’exécution et les recours possibles en vertu du Règlement CE Bruxelles I bis, voir le chapitre de guide Legalmondo « Agent Commerciaux » sur le droit communautaire (et le guide Legalmondo « exequatur des jugements et sentences arbitrales »). Il est important de rappeler à cet égard qu’au stade de l’exécution en Europe, le Règlement CE Bruxelles I bis s’applique à toute décision rendue par un autre juge de l’UE, quel que soit le fondement de sa compétence internationale (règles de l’UE ou nationales).

Un jugement rendu par un tribunal d’un Etat n’appartenant pas à l’Union européenne sera reconnu et exécuté en France dans les conditions et selon la procédure prévues par la convention bilatérale existant éventuellement avec ce pays tiers, et à défaut, selon les conditions de droit commun posées par la jurisprudence française en la matière: absence de violation d’une règle de compétence exclusive reconnue par les juridictions françaises, absence de violation de l’ordre public international de fond et de procédure et absence de fraude.

Les sentences arbitrales rendues à l’étranger sont largement reconnues et déclarées exécutoires en France. L’appel de la décision qui accorde la reconnaissance ou l’exécution n’est ouvert que dans les cas suivants: 1° Si l’arbitre a statué sans convention d’arbitrage ou sur convention nulle ou expirée; 2° Si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l’arbitre unique irrégulièrement désigné ; 3° Si l’arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée; 4° Lorsque le principe de la contradiction n’a pas été respecté; et 5° Si la reconnaissance ou l’exécution sont contraires à l’ordre public international.

Des saisies conservatoires de biens peuvent toutefois être effectuées avant l’octroi de l’exequatur.

Comment mettre fin à un contrat d’agence en France?

Un contrat d’agent commercial peut être conclu pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée. Si les parties poursuivent un contrat à durée déterminée qui ne comporte pas de clause de tacite reconduction, ce contrat se poursuivra pour une durée indéterminée.

Le contrat d’agence commerciale à durée indéterminée peut être résilié à tout moment, sans motif particulier. La loi sur les agents commerciaux impose un délai de préavis minimum devant être respecté: un mois pour une résiliation la première année, deux mois la deuxième année et trois mois la troisième année et les années suivantes. Le même préavis minimum doit être respecté lorsque l’une des parties à un contrat à durée déterminée notifie son opposition au renouvellement automatique.

Le non-respect d’un préavis expose la partie qui résilie à payer des dommages-intérêts en fonction de la durée du préavis non accordé. Il convient de noter que l’article L.442-1. II (ex 442-6.1 5°) du Code de commerce sanctionnant la rupture dite brutale (voir notre post sur le blog Legalmondo à ce sujet) ne s’applique pas au contrat d’agence commerciale (Cass. Com 3 avril 2012, n°11-13.527), mais s’applique au contrat de mandat d’intérêt commun dans la mesure où il n’y a pas de règle particulière de préavis applicable à ce type de contrat.

La rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée qui n’est pas conforme aux termes du contrat ou qui n’est pas justifiée par une faute de l’autre partie, permettra à la victime d’obtenir des dommages et intérêts calculés sur la base du temps restant à courir jusqu’à la fin du contrat (outre l’indemnité légale de fin de contrat). Ainsi la Cour de cassation a-t-elle jugé que « la rupture du contrat d’un agent commercial, même à durée déterminée, ouvre droit à la réparation du préjudice résultant de la perte pour l’avenir des revenus tirés de l’exploitation de la clientèle commune, alors que le caractère anticipé de cette rupture ouvre droit à la réparation du préjudice résultant de la perte des commissions jusqu’à la date prévue par la convention » (Cass.com., 23 avril 2003, n°01-15.639).

Des exemples de « justes motifs » justifiant une résiliation anticipée du contrat d’agence (par le mandant ou l’agent) selon la législation et la jurisprudence

Les tribunaux ont jugé que la résiliation anticipée d’un contrat d’agence est possible:

  • par le mandant lorsque l’agent (i) représente des produits concurrents sans l’autorisation de son mandant ou (ii) néglige de prospecter la clientèle;
  • par l’agent lorsque le mandant (i) ne paie pas la commission due ou (ii) modifie unilatéralement le taux ou la base de la commission.

Le fait de ne pas atteindre un objectif de vente peut-il être considéré comme un juste motif de résiliation?

La non-atteinte d’objectifs ou de quotas contractuels est considérée comme un manquement autorisant le mandant à résilier par anticipation un contrat à durée déterminée sans dommages et intérêts pour rupture abusive (et fortiori, résilier un contrat à durée indéterminée). Toutefois, la jurisprudence française considère que la non-atteinte de l’objectif minimum n’est pas qualifiée de « faute grave »; par conséquent, le mandant qui résilie un contrat pour non-atteinte de l’objectif minimum devra payer l’indemnité légale de fin de contrat.

Indemnité de fin de contrat pour les contrats d’agence en France

L’indemnité de fin de contrat due à l’agent est traitée différemment selon qu’il s’agit d’un agent commercial ou d’un mandataire d’intérêt commun.

Le contrat d’agence commerciale

  • Principe de l’indemnité de fin de contrat

Si le contrat est soumis au droit français, l’indemnité est imposée par l’article L.134-12 du Code de commerce (et l’art. 17.3 de la Directive de 1986). Aucune disposition contraire ne peut s’opposer au principe de cette indemnité ni en limiter par avance le montant.

L’indemnité est due à la fin du contrat (la jurisprudence ne fait pas de distinction entre la fin d’un contrat à durée indéterminée et le terme d’un contrat à durée déterminée, même si cela semble contraire au texte de la Directive de 1986). L’indemnité n’est pas due dans les cas suivants:

  • l’agent commercial a mis fin à son contrat, sauf si cette fin est justifiée par une faute préalable du mandant (ex.: non-paiement des commissions) ou est due à l’âge, l’infirmité, la maladie ou le décès de l’agent;
  • la fin du contrat est causée par une faute grave de l’agent commercial;
  • l’agent commercial a cédé son contrat – avec l’accord du mandant – à un tiers.

Il convient de noter que l’exception d’infirmité, d’âge, de maladie ou de décès ne concerne que l’agent commercial, personne physique, qui a contracté avec le mandant. Cette possibilité disparaît lorsque l’agent commercial est une société qui contracte avec le mandant.

Si l’agent commercial refuse de renouveler son contrat lorsque le mandant le lui propose, l’indemnité de fin de contrat ne sera pas due. En effet, la Cour de cassation refuse d’accorder une indemnité de fin de contrat à un agent qui refuse de renouveler son contrat lorsque le mandant le lui propose (Cass.com., 29 juin 2010, n°09-68.160).

En ce qui concerne l’indemnité de cessation d’activité des sous-agents, la CJUE a jugé que l’indemnité normalement due par l’agent à ses sous-agents pouvait être ignorée, au nom de l’équité, en particulier dans le cas où le sous-agent poursuit son activité avec le mandant. Ce principe d’équité et une lecture plus rigoureuse de la Directive de 1986 (art. 17.3) devraient également conduire à conclure qu’un agent dont le sous-agent poursuit directement la relation avec son (ancien) mandant ne peut pas inclure la part qui devrait revenir à son propre sous-agent dans la base de l’indemnité de cessation d’activité demandée au mandant.

Le droit à l’indemnité de l’agent commercial devient caduc s’il ne la réclame pas, par tout moyen (généralement par lettre recommandée avec accusé de réception), dans un délai d’un an à compter de la fin de son contrat. Ce délai de forclusion est indépendant, en droit français, de la prescription du droit d’agir en justicequi est de cinq ans à compter de la fin du contrat et qui est interrompue par une procédure judiciaire.

  • La faute grave exclut l’indemnité de rupture

La faute grave est interprétée strictement par la jurisprudence comme une faute d’une gravité telle qu’elle empêche le maintien de la relation contractuelle.

La Cour de cassation considère que la faute grave peut être:

  • le fait pour l’agent de ne pas informer le mandant de son changement d’actionnaire, ou de son changement de dirigeant;
  • la violation d’un engagement de non-concurrence;
  • le manquement à l’obligation de loyauté de l’agent (Cass.com., 29 juin 2022, n°20-13.228);
  • l’inexécution du contrat dans les règles de l’art en négligeant la prospection de la clientèle (Cass.com., 10 juillet 2007, n°06-13.975);
  • le versement d’une double commission au détriment du mandant (Cass.com. 20 septembre 2016, n°15-12.994).

Ainsi, toutes les violations d’un contrat ne sont pas automatiquement considérées comme des fautes graves. Par exemple, le non-respect d’un objectif de chiffre d’affaires généré par l’agent n’est pas en soi une faute grave, mais c’est le cas de la violation d’un engagement de non-concurrence, de l’abandon de la mission ou du dénigrement du mandant. Même si les tribunaux considèrent ne pas être liés par une définition contractuelle de la faute grave, il pourrait être utile de préciser quel manquement pourrait autoriser le mandant à résilier le contrat pour une faute dite grave.

La définition de la faute grave amène également les tribunaux à considérer que si le mandant a accordé (pour des raisons de conciliation, de respect du contrat ou de faiblesse) un préavis de résiliation, la faute à l’origine de cette résiliation peut ne pas être considérée comme une faute grave. En d’autres termes, résilier pour faute grave implique de résilier sans préavis.

Le mandant doit donc être très prudent dans la gestion de la résiliation du contrat d’agence en ce qui concerne le moment de la résiliation et sa notification.

Tout d’abord, la faute de l’agent commercial doit être invoquée par le mandant dans la lettre de rupture adressée à l’agent. La Cour de cassation (16 novembre 2022, n°21-17.423, aff. Acopal) a précisé qu’une faute grave de l’agent non mentionnée par le mandant dans sa lettre de rupture ne peut être invoquée ultérieurement pour refuser le droit à l’indemnisation. Ainsi, même la découverte, après la notification de la résiliation, d’une faute commise par l’agent ne peut priver ce dernier de son droit à indemnisation puisque c’est la lettre de résiliation qui verrouille en quelque sorte les motifs invoqués par le mandant et donc les conditions d’attribution ou de refus d’indemnisation.

En outre, la Cour de cassation a également décidé (16 novembre 2022, n° 21.10.126, aff. SBA Vins) que si l’agent notifie, le premier, la fin du contrat, en prouvant que cette fin est justifiée par une faute antérieure du mandant, son droit à l’indemnité de fin de contrat sera acquis, même si le mandant réussit ensuite à prouver que l’agent a commis une faute grave (mais le mandant aura droit à des dommages-intérêts). Cette jurisprudence donne une véritable prime tactique à celui qui prend, le premier, l’initiative formelle de notifier la fin du contrat d’agence.

  • Montant de l’indemnité de fin de contrat

Si la Directive communautaire de 1986 et l’article L. 134-12 du Code de commerce posent clairement un principe de réparation du préjudice (réellement) subi par l’agent commercial, la jurisprudence française fixe très largement le quantum de la réparation à un montant quasi forfaitaire de deux années de la rémunération brute versée à l’agent calculée sur la moyenne des 36 derniers mois précédant la fin effective du contrat, sans exiger de l’agent qu’il prouve la réalité de son préjudice, ni le lien de causalité entre la fin du contrat et son préjudice. Si le contrat a duré moins de deux ans, l’indemnisation sera prorata temporis.

L’assiette de l’indemnisation est constituée par l’ensemble des sommes versées à l’agent, y compris la rémunération des services accessoires (et même le remboursement des frais). La jurisprudence ne distingue pas non plus traditionnellement entre les commissions versées pour des opérations avec des clients préexistants et celles qui n’existaient pas; mais il pourrait être judicieux d’annexer au contrat la liste des clients préexistants et leur chiffre d’affaires pour caractériser une éventuelle défaillance de l’agent. En effet, il semble que certains tribunaux ne veuillent pas s’en tenir à ce forfait de deux ans et veuillent évaluer le préjudice réel subi par l’agent. Ainsi, une Cour d’appel a jugé que « l’indemnité de fin de contrat est destinée à compenser pour l’agent commercial la perte des revenus futurs tirés de l’exploitation de la clientèle. Le quantum de l’indemnité n’étant pas réglementé, il convient d’en déterminer le montant en fonction des circonstances particulières de l’espèce, même s’il existe un usage reconnu d’accorder l’équivalent de deux années de commission, qui ne lie pas le juge » (Cour d’appel de Poitiers, 12 déc. 2023, n°23/00726). De même, la Cour d’appel de Versailles a jugé que l’indemnité basée sur deux années de commission ne devait pas être réglée à l’agent commercial lorsque le mandant a lui-même fourni la base de clientèle (Versailles, 11 janvier 2024).

Si une faute ou un manquement de l’agent n’est pas considéré comme une faute grave, elle peut cependant constituer une faute (simple) engageant la responsabilité de l’agent et autorisant le mandant à obtenir des dommages et intérêts qui pourront alors être compensés avec l’indemnité de fin de contrat.

La Cour de cassation a aussi rappelé à l’inverse que le « cumul » est possible: lorsque le mandant prouve une faute grave commise par l’agent, cette faute grave non seulement exclut le droit à l’indemnité de fin de contrat, mais autorise le mandant à demander des dommages et intérêts à l’agent pour l’indemniser du préjudice qu’il a subi (19 octobre 2022, ch. com. N°21-20. 680, aff. VG Sport).

Bien que le mandant ne puisse valablement limiter le montant de l’indemnité à l’avance, il peut utiliser un autre moyen: le contrat peut stipuler que la mise à disposition par le mandant de sa propre base de données clients (préexistants) au profit de l’agent commercial, donnera lieu à une rémunération due au mandant, mais dont le paiement par l’agent est reporté à la fin du contrat. Dans ce cas, cette somme pourra se compenser (totalement ou partiellement) avec le montant de l’indemnité de fin de contrat réclamée par l’agent. La jurisprudence a validé cette pratique à plusieurs reprises. Par exemple, en 2012, la Cour de cassation a jugé que ce type de clause est valable si elle n’a pas pour objet de limiter le montant de l’indemnité de fin de contrat (Cass.com., 21 févr. 2012, n°11-13.395). Plus récemment, la cour d’appel a jugé que ce type de clause est licite au regard des règles de droit commun et ne fait pas obstacle au caractère d’ordre public des règles applicables à l’agence commerciale (Cour d’appel de Pau, 23 nov. 2021, n°19/03937).

Le mandataire d’intérêt commun

Le mandataire d’intérêt commun a également droit à une indemnisation, mais ses droits sont plus limités, voire précaires. Avant tout, ce droit à l’indemnité n’est pas d’ordre public et peut donc être exclu ou modifié par le contrat. L’indemnité de fin de contrat ne sera pas due à ce mandataire si le contrat est résilié pour juste cause. La notion de faute grave n’est pas exigée ici. Le montant de l’indemnité est généralement calculé de la même manière que pour l’agent commercial.

Un agent commercial peut-il être considéré comme un « établissement permanent » d’une société principale étrangère du point de vue du droit fiscal? A quelles conditions?

Un agent commercial effectuant des opérations en France pour le compte d’une société étrangère ne sera pas considéré par l’administration fiscale française comme l’établissement stable de cette société.

Selon l’article 5 §. 6 du modèle de convention de l’OCDE « Une entreprise n’est pas considérée comme ayant un établissement stable dans un État contractant du seul fait qu’elle y exerce son activité par l’entremise d’un courtier, d’un commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d’un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité ».

Autres particularités

Le contrat d’agent doit bien entendu prévoir la nature et le contenu de la mission de l’agent, les droits et obligations des deux parties ainsi que certaines obligations permettant un juste équilibre entre les parties, telles que, par exemple, les engagements en matière de chiffre d’affaires, les obligations de déclaration et la collecte et le transfert de données à caractère personnel. En principe, les parties sont libres d’organiser leur relation, sous réserve toutefois des dispositions qui régissent le statut d’agent commercial, dans le Code de commerce, ou plus largement le contrat, dans le Code civil.

Les dispositions les plus sensibles à anticiper en droit français sont les suivantes:

  • L’agent commercial a une obligation de rendre compte qui, en matière internationale, doit le conduire à informer scrupuleusement son mandant étranger. Il est donc conseillé de préciser clairement les rubriques du rapport d’information souhaité par le mandant et la périodicité de celui-ci;
  • Le Code civil a introduit depuis 2016 (art. 1195) la possibilité pour les parties à un contrat de le renégocier, si pour une partie l’exécution de ses obligations devenait excessivement onéreuse et alors qu’elle n’avait pas accepté d’assumer les risques d’un tel changement de circonstances (voir notre post sur le blog Legalmondo). A défaut d’accord entre les parties, celles-ci peuvent saisir le juge d’une demande de rééquilibrage du contrat ou de résiliation. Cet article n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent l’exclure ou en limiter la portée;
  • Le droit français impose au mandant de payer une commission au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel la commission a été acquise. Selon le Code de commerce, la commission est acquise dès que le commettant a livré ou dès que son client a payé le prix d’achat. Le contrat précisera que le droit à la commission n’est acquis qu’au moment du paiement du prix et au prorata de l’encaissement.
  • L’article L.134-7 du Code de commerce prévoit que l’agent commercial a droit à des commissions après la fin du contrat dans les deux cas suivants:
  • lorsque l’ordre du tiers a été reçu par le mandant avant la fin du contrat d’agent, quelles que soient les dates de réalisation de la vente et de paiement du prix;
  • lorsque l’opération est conclue entre le mandant et son client dans un délai « raisonnable » après la fin du contrat d’agent et à condition que l’opération soit principalement due à l’activité de l’agent pendant le contrat (ce qui peut être présumé lorsqu’il était exclusif ou bénéficie de l’article L134-6).

Cependant, l’article L.134-7 n’est pas d’ordre public, il peut donc être aménagé ou exclu par le contrat.

Christophe Hery

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