Les risques de responsabilité du PFAS dans le secteur de l’assurance en France et en Europe

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Les PFAS sont des produits chimiques utilisés depuis plus de 50 ans dans l’industrie. Ils seraient entre 4000 et 5000 variétés, utilisés pour diverses applications de consommation courante, et sont reconnus pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes, et résistantes aux fortes chaleurs. Ils font l’objet d’une attention depuis quelques années, et sont visés par la réglementation Européenne, comme aux USA, où les pouvoirs publics ont imposé des valeurs d’utilisation maximum, de même que des obligations déclaratives. Le Règlement UE 2019/ 1021 (POP) restreint la production et l’utilisation de certaines catégories de PFAS dans certaines industries ou au-delà de certaines valeurs, de même que leur usage avec des produits alimentaires. La France a été plus loin, en réglementant les niveaux de rejets dans les cours d’eau.

Les recherches scientifiques suspectent en effet les PFAS comme étant cause de maladies, tels que cancers, troubles de la reproduction, l’enjeu étant de nature à poser d’importants problèmes de santé publique dans les années à venir, en raison de l’importance de la contamination non seulement dans les produits d’usage quotidien, mais également dans l’environnement, et plus particulièrement les cours d’eau. Cette préoccupation est d’autant plus prégnante que les PFAS sont considérés comme des « polluants éternels » dans la mesure où il n’existe, à l’heure actuelle, aucun moyen de les éliminer de l’environnement.

Les impacts sur la responsabilité des entreprises et de leurs assureurs sont déjà importants. Aux USA, plus de 6000 procès ont été engagés depuis 2005. Trois groupes ont déjà payé plus de 1,2 Milliards USD de transaction en raison des contaminations, un autre groupe ayant payé plus de 10 Milliards USD pour mettre fin à une action de groupe.

En France, la Métropole de Lyon a engagé une action en référé expertise contre deux entreprises de chimie, avant d’envisager d’engager une action en responsabilité.  En sus de ceci, plusieurs plaintes pénales ont été déposées pour mise en danger de la vie d’autrui et atteinte à l’environnement.

La responsabilité des entreprises et de leurs assureurs pourrait être engagée, en droit français, sur divers fondements juridiques. Outre le droit commun de la responsabilité civile – basé sur l’article 1240 du Code civil – le régime spéciale de la responsabilité des produits défectueux pourrait aussi servir de base à une action en responsabilité (articles 1245 et suivants du Code civil), le droit français définissant le défaut comme tout produit n’offrant pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre.

S’il est difficile, à l’heure actuelle, d’identifier un lien de causalité avec une maladie identifiée, la jurisprudence en lien avec l’amiante a montré, par le passé, que la victime dispose d’une action dès lors qu’elle peut démontrer un préjudice d’anxiété, liée à l’importance de son exposition au produit, même si elle n’est pas affectée d’une maladie au jour de sa demande.

En outre, les obligations déclaratives imposées par les pouvoirs publics permettront certainement l’introduction d’actions en responsabilité, en facilitant l’identification des émetteurs et utilisateurs de ces polluants.

Les assureurs sont directement concernés par ce phénomène, qui constitue alors pour eux un risque « émergent » (« silent cover ») car pour la plupart, ce risque n’était pas identifié lors de la souscription de la police, ce qui les expose directement, et est d’autant plus problématique que les primes d’assurances n’ont pas pu prendre en compte un tel risque. Les polices d’assurance de responsabilité civile ou professionnelle, surtout si elles sont rédigées avec des clauses « tous risques sauf » (c’est-à-dire couvrant tous les risques de responsabilité vis-à-vis des tiers sauf ceux strictement listés), de même que celles comportant des clauses liées aux risques environnementaux, sont particulièrement visées.

Les Lloyd’s ont déjà publié des modèles de clauses d’exclusion à l’attention des assureurs, de telles clauses ne pouvant évidemment couvrir que les futurs contrats ou avenants d’assurance :

https://www.lmalloyds.com/LMA_Bulletins/LMA23-039-SD.aspx

Les clauses contenues dans les polices d’assurances devront être rédigées avec un soin particulier, et tenir compte des spécificités de chaque Etat. En France, par exemple, pour être opposables à l’assuré, les clauses doivent être « formelles et limitées », ce qui veut dire que l’exclusion doit être à la fois clairement exprimée et qu’il doit être possible de déterminer parfaitement son contenu. A titre d’exemple, la Cour de cassation a récemment considéré que l’utilisation des termes « tels que » ou « notamment » (Civ. 2e, 26 nov. 2020, n° 19-16.435) entraînaient une confusion dans l’interprétation de la clause d’exclusion, la rendant invalide.  Un débat a d’ailleurs pu avoir lieu sur la question de la validité d’une clause d’exclusion portant sur les dommages corporels causés par l’amiante, risque qui à l’époque n’avait pas été identifié par les assureurs, qui avaient par la suite procédé à son exclusion de la plupart des contrats (Cass. 2e civ., 21 sept. 2023, n° 21-19801 et 21-19776). De même, les polices devraient clairement indiquer si la garantie est acquise en base fait dommageable ou en bas réclamation.

Une chose est certaine : les risques liés aux PFAS, les réclamations ne font que commencer, en Europe, où au demeurant les conditions des actions de groupe ont récemment fait l’objet d’un élargissement, avec la Directive UE 2020/1828 qui est entrée en vigueur le 25 juin 2023, qui fait l’objet actuellement d’une proposition de loi en discussion au parlement français en vue de sa transposition.

Alexandre Malan
  • Arbitrage
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